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Du vide sous la peau  (7/17)

De nouveau la nuit. Nos quatre dompteurs marchent dans la campagne silencieuse. Ils se taisent pour mieux se fondre dans ce silence. Communiquant par gestes, le voyant leur fait signe de s'arrêter à l'endroit qui lui semble le plus propice pour passer à l'action. Il a comme un doute sur l'emplacement, mais décide de maintenir son choix. Traçant une croix de plusieurs mètres au sol, il invite les dompteurs à se positionner sur chaque extrémité de cette croix. Le voyant se place en face de la chasseresse, tandis que l'appelant se place en face du piégeur. Leur demandant de se préparer, l'appelant sort son instrument à transe, tandis que le piégeur attache à son poignet son instrument à filin lumineux, et que la chasseresse reste assise : assujettie à sa tâche, qui si tout se passe bien, consistera essentiellement à attendre. Le piégeur demande en chuchotant au voyant s'il doit commencer à étendre un système de cordage lumineux pour pouvoir piéger la créature ? Le voyant lui fait signe que oui. Ainsi, tel un architecte magicien, le piégeur commence à étendre son filet brillant dans la nuit, construisant petit à petit une sorte de cage arrondie au dessus du périmètre de la croix. Le fil lumineux sort plusieurs mètres au delà de son poignet, et il peut de cette façon construire sa cage à distance, sans bouger de l'extrémité de la croix où il est censé rester debout. Il pivote simplement sur lui-même pour faire avancer le fil vers l'endroit qu'il désire. L'appelant commence alors à jouer subtilement de son instrument à cordes, un peu comme si le son d'un violon accompagnait le déroulement du filet. Puis de sa deuxième main, il joue d'un instrument à percussion faiblement. Cette fois ci, la sonorité des cordes accompagnera celle du rythme. Tel un voile recouvrant son humeur, l'appelant joue d'abord plus fortement des cordes en vue de modifier son état mental, puis une fois son esprit réceptif à sa musique, il accélère le rythme des percussions. La rythmique s'introduit dans son esprit comme si elle y entrait doucement mais en profondeur. L'appelant accélère encore un peu plus le rythme et commence à danser. Ses mouvements se fondent avec la musique, et le tout semble s'imprimer dans l'espace. S'approchant de la transe, il maîtrise de moins en moins ses gestes et sa musique, car ce sont eux qui le possèdent désormais, et il se laisse gagner par cette folle frénésie. Une vague silhouette commence alors à se matérialiser devant eux quatre. Elle semble se graver dans l'espace à mesure que la musique les envoûte. Ils voient maintenant clairement le visage de celui qu'ils cherchent à dompter. Le piégeur, absorbé comme les autres depuis le début de la transe de l'appelant s'aperçoit alors qu'il a laissé un espace par lequel la créature pourrait s'échapper. Il tente de le combler, mais Émeric s'y engouffre plus vite qu'il ne tisse, comme pressé par l'effroi de ce piège qu'on est en train de lui tendre. Et Émeric disparaît ainsi de leur vue. Le piégeur s'en veut de s'être fait surprendre, mais le voyant considère l'opération comme plutôt réussie. L'appelant est à terre, son corps soumis à d'étranges convulsions.

Au réveil, Émeric se souvient trop confusément de ce qu'il s'est passé pour le garder longtemps en mémoire. Pourtant une image lui reste en tête, celle d'une créature de rêve assise par terre, le regardant avec intensité. Une créature ailée...

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