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Petite histoire des sociétés  (5/6)

Cet assèchement des effectifs de la population travaillant aux produits alimentaires de base s'est poursuivi tout au long du XXème siècle, notamment dans les pays riches, et a abouti à une accélération du progrès, des innovations, des inventions et de la création qui semble toujours plus rapide au fur et à mesure qu'on s'approche du présent. Sans doute parce que le progrès appelle le progrès.

Ajoutons que la révolution industrielle a connu une deuxième vague au début du XXème siècle avec l'usage de l'électricité, du téléphone, et du pétrole, lui-même lié à l'invention du moteur à explosion et au développement des routes ; et une troisième vague à la fin du XXème siècle avec l'informatique, l'électronique et les télécommunications.

Tant d'avancées ont malheureusement aussi engendré une débauche de déchets, de la pollution, et le fameux réchauffement climatique, qui sert parfois de prétexte à ceux qui voudraient nous faire revenir aux temps de nos ancêtres, où l'espérance de vie était pourtant plus faible, la misère plus grande et la vie plus rude. Personnellement je ne souhaite pas revenir en arrière, car je trouve qu'on ne vit pas si mal à notre époque par rapport aux sociétés d'avant. Je ne crois donc pas qu'il faille stopper le progrès pour éviter ses effets secondaires néfastes.

Enfin, quoi qu'on pense des évolutions actuelles, le nouveau mode de vie « industriel » gagne peu à peu tous les humains de la planète, y compris les chasseurs-cueilleurs qui se convertissent à cette nouvelle vie dans un mélange d'attirance et d'esprit critique, du moins quand le choc n'est pas trop rude et qu'ils ne sombrent pas dans l'inertie et l'addiction. Puisque désormais plus de la moitié de la population mondiale est urbaine, et qu'elle s'alimente en achetant les produits alimentaires sur des marchés ou autres grandes surfaces...

En effet, avec des techniques de plus en plus productives, parfois au détriment du bien-être des animaux, les éleveurs et les agriculteurs (quid des plantes incapables de pousser correctement sans intervention humaine : ressentent-elles une forme de détresse ?) produisent en théorie suffisamment pour nourrir toute l'humanité, mais en pratique, la faim demeure dans certaines régions, et c'est un comble : souvent dans des milieux ruraux !

Or, si l'effectif des personnes travaillant à alimenter les autres a chuté avec la révolution industrielle, étonnamment celui de la population mondiale a explosé : environ 1 milliard d'habitants dans le monde au début du XIXème siècle, 1,5 milliard au début du XXème siècle, puis 2,5 milliards en 1950 et 6 milliards en 2000... Voilà un accroissement spectaculaire en près de 200 ans ! Du jamais vu dans l'histoire de l'humanité ! D'après les démographes cette explosion de la population est principalement dûe à une diminution du taux de mortalité et à une augmentation de l'espérance de vie. Autrement dit, elle est surtout consécutive aux progrès de la médecine et aux mesures d'hygiène collectives (vaccins, antibiotiques, antiseptiques, etc.) qui ont permis de faire reculer un grand nombre de maladies jusqu'alors dévastatrices pour l'humanité.

Pour autant, si le mode de vie industrielle s'est répandu rapidement à peu près partout dans le monde, avec comme tendance générale une spécialisation de plus en plus poussée du travail ; vivons-nous dans une seule et même société mondiale ? Certes tout dépend de l'échelle à laquelle on se place, mais en ce début de XXIème siècle, j'ai envie de répondre : non. Car même si l'économie est de plus en plus mondialisée et que les sociétés sont de plus en plus connectées avec les autres, elles gardent encore leurs spécificités. Il existe d'ailleurs près de 200 sociétes étatiques sur la planète actuellement.

Ce nouveau mode de vie semble aussi aboutir lentement mais sûrement à moins de guerres entre États qu'auparavant et à plus de sentiment d'appartenir à la même famille humaine, comme le suggère Steven Pinker. Peut-être que la facilité de communiquer avec le monde entier et l'inter-dépendance économique sont favorables à la paix entre États ?

En revanche, pour la paix entre individus, c'est une autre histoire... Car si la violence diminue entre États et globalement à l'extérieur de chez soi, elle continue de s'exercer à la maison, dans de nombreuses familles, et bien sûr partout où la pauvreté demeure. Les criminologues expliquent que la violence trouve un terreau favorable chez les plus fauchés d'entre nous, mais aussi qu'elle se réfugie désormais dans la sphère privée, là où elle a moins de possibilités d'être régulée par l'extérieur.

La pauvreté baisse malgré tout au niveau mondial, et avec elle la faim, comme le montre, chiffres à l'appui, le livre court et accessible de Jacques Lecomte « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! ». Mais le phénomène est lent, quasi-imperceptible pour nos médias avides de nouvelles quotidiennes, et d'histoires dramatiques plus que de faits favorisant l'optimisme. Car le drame est vendeur. Pas l'optimisme. C'est ce que dit Hans Rosling dans un autre livre, « Factfulness » : notre instinct hérité des chasseurs-cueilleurs nous pousse à préférer les histoires dramatiques parce qu'elles nous rappellent l'époque où nous aimions les leçons édifiantes pouvant nous sauver la vie dans un monde rempli de dangers. Mais notre société a évolué plus vite que notre cerveau et si nous raffolons encore d'histoires sensationelles, notre environnement est devenu beaucoup plus sûr. D'où ce décalage entre le monde présenté par des médias alarmistes et avides de sensations fortes, et notre expérience personnelle généralement plus sereine et confortable (en tout cas, mon propre vécu s'en rapproche). Alors faut-il partager l'inquiétude des médias ou profiter du calme qui règne chez soi, au risque de scandaliser les révoltés de tous bords ? À vous de voir comment doser les proportions...

Maintenant, fort d'avoir su trouver un équilibre entre informations négatives et jouissance pépère à domicile, revenons au problème de la surconsommation : sommes-nous vraiment plus satisfaits quand nous consommons à l'excès des produits superflus ? Les études en psychologie positive semblent montrer que non, que ce sont des choses qui ne s'achètent pas comme les relations de travail, amicales, familiales et amoureuses qui nous donnent le plus de satisfaction dans la vie. En clair, ce sont les relations nécessaires à la vie en société qui nous rendent heureux. Je n'ai pas de solution miracle pour rendre heureux, mais un défi à suggérer. Car vivre heureux avec les autres est un vrai défi. À mon avis c'est même le défi le plus compliqué, et par conséquent le plus intéressant qui soit. Et avec tous les gens qui ont des idées différentes des nôtres, je considère qu'il y a du pain sur la planche pour réussir à nous entendre avec eux. Alors pourquoi privilégier la quête du confort matériel quand on a un tas de relations à entretenir et à améliorer ?

Mon souhait n'est pas tant de changer la société en la révolutionnant, que de l'orienter en douceur vers un challenge plus prometteur que la simple croissance matérielle. On peut toujours rêver, non ?

En tout cas, les révolutions qui affectent en profondeur la société ne sont pas celles qui viennent des idées (car elles finissent trop souvent par une épuration de ceux qui ne pensent pas comme nous, et donc par opposer les uns aux autres), mais celles qui viennent de changements presque imperceptibles sur notre quotidien matériel, et qui finissent par être adoptées de tous. Les idées doivent selon moi servir à accepter et tenter d'améliorer cet état de fait, plutôt que le combattre.

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